La collecte des taxes dans les marchés
au Bénin suscite beaucoup d'émoi, quoi qu’elle laisse indifférents
certaines autorités et bon nombre des
marchands. Une descente dans les marchés de Cocotomey et de Cococodji, dans
l'arrondissement de Godomey nous plonge dans
cet univers controversé qui
interpelle la conscience collective.
Valère
C. HOUÉKINON
Au marché de Cococodji, v ivres, produits maraîchers et articles divers se côtoient ...
Des taxes légales en vigueur
Dans ses variantes, la loi du 15 janvier 1999 portant régime financier
des communes en République du Bénin,
définit la collecte et le payement des taxes légales et similaires.
Elle autorise par ailleurs
l'organisation interne des marchés par les responsables pour assurer la
propreté et la sécurité. Ces prérogatives reviennent d'obligation à l'Etat. La
patente et les taxes perçues les jours de marché. constituent les taxes légales
imposables dans les marchés. La patente est perçue une seule fois l’an. La
responsable du marché de Cocotomey, Henriette Tonoukouin confirme que
qu’une somme de 100 F CFA est perçue les
jours de marché. A Cococodji, cette même taxe est payable la veille et le jour du marché,
équivalant à une somme de 200 F CFA par
marchande. Les vendeuses de Cococcodji
estiment qu’il y a un paradoxe et une politique de deux poids deux mesures dans le payement de cette
taxe. Dans
les deux marchés, le prix de la patente varie en fonction de la capacité
contributive des marchands au regard de l’ampleur de l’étalage. << Nous payons l'imposition d'une
patente annuelle de la mairie qui varie de 2. 000 F CFA à plus de 10. 000 FCFA,
une seule fois chaque année >>, exprime Abigaël Daanon, usagère de
Cococodji. Toutes
les tentatives pour joindre le Chef de l'arrondissement de Godomey, afin
d’obtenir aussi son point de vue sur la question ont été vaines. Les élections
communales et municipales du 17 mai 2020 n’ayant pas facilité la tâche. De
surcroît plusieurs cadres, à divers niveaux de l’administration n’étant pas
souvent à leur poste. La
loi du 15 janvier 1999 portant organisation
de l’administration territoriale, stipule en son article 104 que <<
la Commune a la charge de la construction, de l’équipement, des réparations, de
l’entretien et de la gestion des marchés et des abattoirs >>. Cette
prérogative est aussi appuyée par l'article 120 : << la Commune organise la gestion et le
contrôle des marchés, des gares routières et des autres services marchands
>>. Pour y parvenir la perception
des taxes devient une chose évidente et inévitable et trouve sa légitimité dans
l'alinéas 1 de l'article 10 de la loi portant Régime Financier des
communes. Elle autorise que la
perception des recettes fiscales comprenne la taxe de développement
locale basée sur les principales ressources de la commune, dont la patente.
...de même, au marché de Cocotomey des étalages à ciel ouvert...
Une procédure à vitesses et aux conséquences multiples…
...a deux kilomètres l'un de l'autre.
Le
regard porté par la loi du 15 janvier 1999 portant régime financier des
communes en République du Bénin, sur la collecte des taxes internes des marchés
trouve sa justification en son article 11
alinéas 3 qui stipule que les recettes de la
section du fonctionnement provenant des prestations et services de la Commune
comprennent les droits sur les services
marchands, la taxe de stationnement sur les gares routières et
l'excédent des produits sur les charges des gares routières et des marchés ou
la part revenant à la Commune. La loi reconnaît le payement des taxes internes qui est utilisé
pour supporter les charges des marchés et dont l'excédent ou une part revient à
la Commune représentant les 15% perçu par la Mairie sur les recettes de gardiennage.
Plusieurs dizaines de hangars beiges, alignés,
construits en matériaux définitifs, côtoient des places à ciel ouvert et à même
le sol où se retrouvent aussi des vendeuses. Deux voies d’accès conduisent de
la grande voie inter état Cotonou-Lomé au marché de Cocotomey, entièrement
pavés et bien situé dans l’arrondissement de Godomey. Vivres, produits
manufacturés, bijoux, tissus et objets d’art discutent la poche des clients. La
vente de tout ceci n’est possible sans le paiement des diverses taxes exigées
aux marchands. A 2 km de là : le marché de Cococodji au bord de la même
voie inter Etat. Des places à ciel ouvert
y côtoient des hangars en béton armé. Dans
les deux marchés, la collecte des taxes se fait sans l’intervention des outils de la technologie. Les collecteurs de la mairie en
tenue kaki, munis de carnet de reçu à la différence des chefs de marché avec
en main un cahier et un stylo. Tout
au long de la journée, ils parcourent de fond en comble tout le marché. Des
explications des collecteurs de la mairie, il
ressort qu’ils sont souvent
confrontés à la fuite des marchands. « Il arrive que certains agents font des
recettes parallèles sans justificatif en dehors du payement normal »,
affirme énergiquement Marguerite Sossa, vendeuse au marché de Cocotomey.. Constant
Kobiti, expert-comptable et
administrateur des Affaires, en clientèle privée, précise que l'installation
d'un guichet de paiement des taxes faciliterait les mesures de contrôle des
recettes sur contrainte coercitive. Obligeant les usagers à s'acquitter
régulièrement de leur taxe et imposition sur les ventes au marché.
Les taxes vues de l’intérieur du
marché
D'autres taxes existent aussi, dont la redevance
mensuelle de gardiennage, de balayage et de ramassage des ordures. Le délégué du
syndicat du marché de Cococodji, Rosine
Agboyo appelé ‘’afintinnon’’ (vendeuse de moutarde en langue fon)
explique que la taxe de gardiennage fixée
à 500 F CFA, peut aller à plus de 2. 000FCFA,
selon la taille de l'étalage. Au marché de Cocotomey, selon dame
Henriette Tonoukouin responsable du marché, elle est de 500 FCFA pour les
places à ciel ouvert et 1 000 FCFA pour les hangars construits en matériaux
définitifs. Concernant la taxe de balayage, ce sont 50 F CFA qui sont perçus
les jours de marché. A
Cocotomey, une recette allant à 300.000 F CFA par mois se fait sur les
144 places que dispose le marché dans la collecte des redevances de gardiennage. Cette collecte supporte une
charge globale mensuelle de 100.000 F
CFA payés à 4 gardiens à raison de 25.000 F CFA chacun. Un excédent de 200.000
F CFA desquels la mairie perçoit 15 % soit 30.000 F CFA et dont 170.000 F CFA
sont gérés par les responsables. Pourtant, le marché a un besoin criard
d’éclairage et nécessite une meilleure protection des marchands et des biens
contre les affres du soleil et de la pluie. La
gestion de cette collecte était faite sous l’égide du Chef quartier de
Cocotomey, a précisé Henriette
Tonoukouin. « J’ai hérité d'un poste sans bilan et par
ricochet sans passation de service. Le
chef quartier m’a laissé des problèmes à gérer. Il affirme avoir versé
les fonds perçus au Trésor public et qu'il lui revient de payer les gardiens,
les balayeurs et les vidangeurs à qui le marché doit des arriérés de salaires
>>, complète-t-elle encore. Depuis sa prise de fonction, il y a deux
mois, c'est avec dextérité qu’Henriette a réussi à régler définitivement les
arriérés de salaire de tout ce personnel. Et ce en deux reprises de collectes
de ces taxes. Les tentatives d’entendre le son de cloche du Chef quartier ont
été vaines, élections communales
obligeant. A
Cococodji, certains marchands sont dispensés du paiement de certaines taxes
internes pour des raisons inavouées. << Les taxes de gardiennage ne sont pas perçues chez tout le monde.
Certains usagers, comme moi, en sont
dispensés >>, allègue
Rachidatou Tidjani, vendeuse. Epiphanie Wandji, responsable du marché de
Cococodji, au moment de donner son point
de vue sur la question, s’est rétractée. En
dehors de la taxe de gardiennage, la redevance locative fait aussi l’objet de
mécontentement dans le marché de Cococodji.
« Elle est payé à 30.000 F CFA au démarrage des activités du marché. Elle
est passée à 80.000 F CFA, puis 100.000 F CFA et voire 500.000 F CFA. Certains usagers ont revendu
leur place à prix d'or de 200.000 F CFA à 500.000 F CFA », assermente
Abigaël Daanon. Marguerite Sossa, ancienne du marché de
Cococodji développe qu’Il a eu plusieurs refontes du système d'achat et de
location de place dans une insoutenable variation de prix à la hausse. C'est
une spéculation qui a reçu la bénédiction du responsable du marché mais qui dévalise les marchands. Mais à Cocotomey, « La procédure d’achat et de location de place est rigoureusement appliquée au même prix de
25.000 F CFA à tout venant», apprend
la responsable du marché. Constant
Kobiti, Administrateur des affaires, déclare par ailleurs que << les actes de collecte de taxe et de
redevance relève d'une organisation interne des marchés reconnue par la loi,
qui n'a non plus défini les marges de
ces collectes >>. « Ce manquement de la loi ouvre le boulevard
de la corruption qu'il serait d'autant plus difficile à prouver et contrôler au
regard des méthodes de collecte
contraire à l'orthodoxie financière et
avec la complicité des autorités », poursuit-il également. Pour
lui, les taxes internes payées en redevance dans la gestion des marchés de
l'arrondissement de Godomey, bien qu’elles ne soient pas clairement définies par la loi, sont payées de facto pour maintenir le marché dans
la propreté et la sécurité.
L'autre
pan du creux de la vague des taxes qui dévalisent les usagers du plus grand marché de
l’arrondissement, Cococodji, est le payement du titre d'installation. Il donne droit à
un ou plusieurs hangars aux bénéficiaires qui peuvent y entreposer leurs marchandises pour la vente. Si le paiement du
titre d’installation donne droit à occuper les mêmes dimensions de place dans
le marché, il n'en demeure pas moins surprenant qu'il peut obliger certains usagers à payer le
double, le triple voire cinq fois le prix payé par leurs voisins. Les exemples dans cette pratique de différentiation de prix, en matière d'octroi
de place sous hangar et sans hangars,
sont légions dans le marché de
Cococodji qui fait environ quatre fois la grandeur du marché de Cocotomey. Ici la redevance payée varie de 30.000 à
500.000 F CFA.
Serait-il
permis aux responsables de ces marchés d’appliquer le principe de la capacité
contributive qu’applique la Direction Générale des Impôts ? L'application de ce principe est réelle dans
les marchés mais la loi ne l'a pas prévu au niveau des marchés mais un principe
appliqué de droit par la direction générale des Impôts. Le
fait ouvre des brèches à la tentative de corruption et de détournement de
deniers publics dans les marchés. L'autre brèche à la tentative de corruption
et de détournement demeure le défaut d'harmonisation des taxes de gardiennage
et autres taxes d'un marché à un autre. L'Association nationale des communes du
Bénin (Ancb) et le Gouvernement devraient s’y pencher davantage pour harmoniser
toutes les taxes. La prise en main de la collecte des taxes internes des
marchés par les mairies participerait
davantage au renflouement de la caisse des
collectivités locales pour la réalisation des travaux de construction et de la réhabilitation des marchés au lieu d'attendre
les prêts et les dons des partenaires techniques et financiers. Cela
permettra d’éviter que les responsables des marchés les fixent
selon leur bon vouloir qui dresse un lit
douillet de la corruption qui brave la loi avec la complicité des autorités communales.
...dans un marché situé au bord de la route inter-Etat Cotonou Lomé...
Le Ticket de trop
Le
fait est réel et les usagers du marché s'en offusquent, quand bien même, ils se soumettent au paiement du tribut en pot-de- vin. On aurait pu
comparer le marché de Cococodji à un royaume dirigé par madame Epiphanie Wandji
. A en croire, les usagers de ce marché, chaque détenant d'un titre de place
dans ce marché doit payer en guise de remerciement la somme de 50.000 FCFA, un
sac de maïs et plusieurs mètres de tissu au Chef du marché en signe de
reconnaissance de son accord à vous louer une place dans son marché. << Après la location d'une place au marché de
Cococodji, il est exigée des usagers la coquette somme de 50.000 F CFA, un sac
de maïs et des mètres de tissus en guise de reconnaissance au chef du marché>>,
souffle madame Marguérite Sossa. Le principe de ce payement est connu après
l'obtention de la place. Le paiement est obligatoire sous peine de représailles
de perte de la place. C’est le calvaire vécu au quotidien avec les abus et la
mauvaise conscience de qui aiment vivre
indûment du travail des autres. S'il faudra calculer le prix des présents
obtenus des usagers, la location d'une place coûte la bagatelle somme de 580.000 F CFA. Les responsables de
ce marché se plaisent dedans. Aucune
loi n’autorise le payement d'un tribut au responsable des
marchés après la location d'une place.
De ce point de vue, cette pratique qui est en vogue même si elle traduit dans toute sa plénitude des actes et des faits de corruption à bannir
de nos marchés, il serait difficile d’abord aux usagers de prouver les
malversations financières qui ne sont pas authentifiées par des actes ou
preuves écrits. Les détournements des fonds dans ces marchés sont plus
difficiles à prouver dans la mesure où les collectes internes sont inscrites
dans un simple cahier.
V.
C. H.
Pourquoi collecter des taxes internes
V. C. H.
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