Poésie : ‘’Par la sueur de mon suaire’’…d’Esther Doko, mémoire d’outre-père


Esther Doko est une jeune poétesse béninoise qui a déjà à son actif, deux recueils de poèmes. Le premier est intitulé ‘’Par la sueur de mon suaire’’. Le deuxième a pour titre ‘’Mémoire d’horizons’’.  

Jean-Paul  Tooh-Tooh


La poétesse, Esther Doko





 La poésie d’Esther Doko est une mosaïque de sentiments douloureux et de troubles névrotiques. Sa poésie est empreinte d’une revendication : celle d’un être cher, un amant, un Amour, un « P a i r », un père, une paire (d’elle-même), une Afrique, un « POEME… ».  Mais la parole reste coincée dans les encoignures d’une mémoire éparpillée, écartelée entre le désir de revivre un bonheur perdu et la tristesse. Une nostalgie qui se traduit par des murmures, des séquences de bégaiements syntaxiques, des ellipses, des constructions insolites, des écarts qui provoquent chez le lecteur un sentiment d’« inquiétante étrangeté » pour reprendre l’expression célèbre de Freud qu’il développe dans son célèbre essai Unheimlich (1988).  On assiste aux symptômes poétiques d’une névrose. Sous l’irrésistible (op) pression de ses doutes, la poétesse se réfugie dans un silence bruissant de « paroles drues » (p. 18) et de « mots surchauffés » (p. 37).  De ce désordre verbal, jaillit une poésie truffée d’obscurité, d’incertitude et d’idées noires. Cet état psychique cache forcément un mal-être, un malaise existentiel. Chez Doko, le malaise est de l’ordre émotionnel.

      L’angoisse est l’élément constant du recueil. Elle s’exprime nettement, sans détours. La poésie dokorienne met en marche les mécanismes de défenses appropriés non seulement pour protéger l’esprit des situations dangereuses mais aussi pour se remettre des drames passés. Ce recueil peut être donc perçu comme une sublimation[1]
La poésie apparaît comme un exutoire cathartique, une évacuation des troubles psychiques qui hantent l’auteur. Désespoir, chagrin, amertume, désirs se conjuguent pour donner à voir une poésie digne d’une poétesse dont la renommée est en train d’être établie. 
La beauté y est perceptible au moyen « des décodeurs rhétoriques »[2] dont tout lecteur averti devrait se doter dans l’appréhension sémantique de la poésie de cette jeune poétesse béninoise.
     Au regard du système d’énonciation mis en œuvre dans ce recueil, il y a comme une présence masculine : « Je retourne me nicher dans tes bras » (p. 23),
      « Nom d’une verge !
        il me faut te boire » (p. 63).
Il y a ici la présence ardente d’un autrui, d’un « toi » souvent tapis dans l’arrière-plan des évocations sentimentales. Dans ce rapport amoureux, amical, fraternel, ou filial, surgit de temps en temps l’évidence d’une expérience érotique délicieusement vécue : « J’ai su l’amour en tes lèvres » (p. 33). Quelque chose se meut d’un partenaire à l’autre, influençant l’une, humanisant l’autre : « je nous apprends en leurs profusions » (p. 33). Une passion qui ravit le cœur de la poétesse et la soumet à « la caresse perlée du mâle » (p. 36). Un père, un amant, un être cher, une Afrique, un « POEME » ? Rien n’est sûr. Mais ce qui est sûr, c’est que « La bête s’en est allée » (p. 31). Si l’auteur fait allusion à son père, nous sommes alors en plein dans le complexe d’Electre[3] (de Carl Gustav Jung) qui serait un équivalent du complexe d’Œdipe développé par Freud.




[1] « Freud définit la sublimation pour la première fois en 1905 dans Trois essais sur la théorie sexuelle, pour rendre compte d’un type particulier d’activité humaine (la création littéraire, artistique et intellectuelle) sans rapport apparent avec la sexualité mais tirant sa force de la pulsion sexuelle en tant qu’elle se déplace vers un but non sexuel en investissant des objets socialement valorisés. Autrement dit, il s’agit du processus de transformation de l’énergie sexuelle (libido) en la faisant dériver vers d’autres domaines, notamment les activités artistiques. », Wikipédia (consulté le 08/09/2016 à 18 heures 30).
[2] Daté Atavito Barnabé-Akayi, Postface in Par la sueur de mon suaire, op. cit., p.
[3] « Le complexe d’Electre est un concept théorique de Carl Gustav Jung qui l’a nommé ainsi en référence à l’héroïne grecque qui vengea son père Agamemnon en assassinant sa propre mère, Clytemnestre. » Wikipédia (consulté le 08/09/2016 à 20 heures 00)

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