L’agriculture saine au Bénin : Les engrais bio comme alternative



L’utilisation des pesticides ou fertilisants chimiques prend une proportion inquiétante dans les champs et jardins au Bénin. Les agriculteurs en abusent dans le souci d’augmenter la productivité agricole. Mais préoccupés par leurs conséquences dévastatrices sur l’humanité, un certain nombre, se tourne vers l’usage des fertilisants bio qui protègent l’environnement et la santé.

Marie-Louise Félicité BIDIAS


Les légumes qui finissent dans nos plats...

                                                   
Malgré le soleil brûlant de 11h, sur une portion de terre, au jardin de Houéyiho, dame Jeanne pulvérise à l’aide d’un arrosoir usagé, un liquide blanchâtre sur ses planches de légumes. Maraichère, elle est assistée de deux jeunes ouvriers.  C’est le Solanum macrocarpum (morelle ou ″gboma″ en langue fon) et l’Amaranthus hydridus (amarante ou ″fotètè″), deux légumes feuilles identifiés comme étant les plus cultivés dans la région sud du Bénin, qu’elle cultive.  ‘’La demande est très forte et nous sommes fréquemment attaqués par les chenilles, les acariens et les maladies diverses. C’est pour éviter la destruction de notre récolte que nous utilisons des insecticides et fongiques de diverses origines chimiques, pour produire et vendre beaucoup’’, explique-t-elle comme pour tenter de justifier son acte.  Ses mains rugueuses, et affaissées témoignent davantage de ses propos. ‘’Je n’attends pas l’apparition des insectes avant de traiter mon champ deux fois par semaine, soupire-t-elle, ‘’je n’ai pas le choix’’. Les deux légumes feuilles cultivés sont en majorité produits par près 95% pour le solanum macrocarpum et 58% pour l’amaranthus hydridus, précise le rapport sur les pratiques culturales et teneur en éléments anti nutritionnels (nitrates et pesticides) du Solanum macrocarpum au sud du Bénin, de African journal of food agriculture nutrition and development.

Les engrais qui sauvent la vie

Dans la production des légumes feuilles, trois types d’engrais organiques sont identifiés comme étant les principales sources de matière organique utilisées par les maraîchers du Sud-Bénin : fientes de poulet (71,4%), bouse de vache (17,5%) et ordures ménagères (11,1%).
Le document sur ‘’L’agriculture urbaine et la valorisation des déchets au Bénin : une approche de développement durable’’, explique que pour les maraîchers, généralement, comme engrais, c’est la biomasse qui est récupérée au niveau du marché Dantokpa, de quelques marchés secondaires, des restaurants, des hôtels et autres lieux.  Cette biomasse est ensuite déversée sur le site de Houéyiho pour la fabrication du compost de qualité utilisé pour renforcer leurs sols. Dans le passé, les divers acteurs de ce système ont été réorganisés par le Projet de gestion des déchets solides ménagers (Pgdsm) financé par l’Agence canadienne pour le développement international (Acdi) et exécuté par Oxfam-Québec. Pour assurer la durabilité du système mis en place, le Pgdsm a appuyé la « valorisation des déchets » dans la ville de Cotonou. Depuis lors, beaucoup de maraîchers se sont appropriés l’utilisation du compost et sont ainsi passés de l’agriculture urbaine à l’agriculture biologique dans des espaces urbains aménagés. Le document affirme encore que dans les zones aménagées où les ordures ménagères sont encore utilisées, le triage souvent mal exécuté, augmente toujours les risques de pollution des espaces cultivés par les matières non biodégradables et de contamination des produits par les métaux lourds.
Sur la ferme universitaire, Pauline, étudiante en agronomie témoigne de l’usage naturel des engrais.  ‘’Nous utilisons de la fiente de poulet, de la bouse de vache et parfois le compost pour fertiliser nos champs. Il est composé de toutes sortes de déchets mélangé avec de l’eau. Lorsqu’il pourrit, il devient le compost. Tout ceci enrichit le sol. L’une des contraintes aussi est l’arrosage tous les jours (matin et le soir)’’. Sa satisfaction qui demeure est, la récolte diversifiée composée de légumes dont les carottes, les laitues, les choux, le basilic et les haricots verts. De même que des céréales dont le maïs sucré.
Selon la réglementation de l’Union européenne, l’engrais est une matière dont la principale fonction est de fournir des éléments nutritifs aux plantes. La composition d’un engrais est indiquée sous la forme NPK, lequel donne les ratios de composition en Azote (N), phosphore (P) et potassium (K). Selon le site la ‘’Pause Jardin’’ il existe trois types différents d’engrais. Les engrais minéraux, les engrais organiques et les engrais organo-minéraux. Les engrais minéraux sont formés de substances d’origine minérale. La plupart des engrais chimiques contiennent des éléments nutritifs primaires, NPK. Néhémie Kotobiodjo, agronome, socio-économiste, responsable à la formation et gestion des Organisations de producteurs de Abeb-Ong, explique que les engrais biologiques proviennent de débris végétaux, des déjections animales. ‘’De ce fait, ces engrais participent dans un premier temps à l’assainissement de l’environnement en aidant l’homme à se débarrasser des déchets qui l’encombrent. Dans un second temps, ces engrais ne contiennent pas de substances accélérant la dégradation de nos terres’’. De son point de vue, les productions issues de l’utilisation des engrais bio comme fertilisants ne comportent pas des résidus chimiques. ‘’Ces engrais peuvent donc garantir une alimentation saine tout en protégeant nos sols’’, déclare-t-il encore.
Du côté des engrais chimiques, on décèle de plus en plus d’effets sur l’environnement et la santé. Au Bénin, le Collectif ‘’Stop pesticide’’ au cours de la conférence de presse publique animée au Codiam à Cotonou, le 30 août 2018 n’est pas allé par quatre chemin en brandissant des chiffres alarmants pour montrer les ravages engendrés par l’utilisation des pesticides et fertilisants chimiques. ‘’Ainsi, de 2001 à 2008, plus de 12 millions de litres d’insecticides ont été utilisés pour la seule culture du coton qui consomme près de 90 % du marché des insecticides (Ton, 2001), et 96 % des engrais chimiques (Ifdc, 2005). D’après l’Ons et la Sonapra (2015), de 554 900 litres d’insecticides utilisés en 2008/2009, on est passé en 2014/2015 à 2 436 500 litres pour le coton sans compter les approvisionnements par les circuits informels fort développés au Bénin. En avril 2018, 36.000 tonnes d’engrais chimiques de synthèse ont été importées pour le coton, 33.000 tonnes pour le maïs et autres céréales avec un (1) milliard FCFA de subvention d’engrais chimiques pour les fruits et légumes ; 500 000 litres de glyphosate sur un total de 900.000 litres attendus, (Killer 480 SL, pourtant classé produit cancérigène 2A)’’.
L’Institut national des recherches agronomiques du Bénin (Inrab) dans l’étude sur l’amélioration de la production du compost pour une gestion intégrée de la fertilité et de l’humidité des sols au Nord du Bénin, précise que l'exportation des éléments nutritifs du sol à travers les récoltes est peu ou pas compensée dans les exploitations agricoles au Nord-Ouest. Il en résulte une fragilisation de la structure du sol qui devient pauvre en matière organique. Cette situation est aggravée par le changement climatique, caractérisé par la hausse des températures, la baisse des précipitations, les poches de sécheresse et la répartition spatio-temporelle des pluies. En conséquence, la production agricole baisse puis l'insécurité alimentaire et nutritionnelle croît. Un réel besoin d'une autre approche de gestion de la fertilité des sols s'exprime de plus en plus dans les zones de grande production.

L’approche des nouvelles technologies

Le Plan de gestion des pestes (Pgp) au Bénin émanant du Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest, fait ressortir des innovations à apporter pour améliorer la productivité à partir des engrais naturels. Ainsi, pour la lutte contre les ravageurs, les nouvelles technologies adoptées dans la production du coton biologique se basent sur la valorisation des ressources locales. Dans ce cas, les producteurs utilisent en matière de protection phytosanitaire, l’extrait aqueux des grains de « neem » mélangé à l’urine de vache, à l’ail, à l’extrait des feuilles de papayer et à du savon traditionnel. Par ailleurs, d’autres producteurs utilisent des plantes locales reconnues comme plantes insecticides qu’ils associent à l’extrait aqueux des grains de neem et autres ingrédients précités pour la protection phytosanitaire. De même, des extraits de plantes à effet insecticide sont également utilisés dans la protection phytosanitaire des cultures maraîchères. Des essais et des programmes de recherche sont actuellement en cours pour renforcer leur utilisation dans le contrôle des ravageurs des cultures maraîchères.  Il est également conseillé aux producteurs d’utiliser certaines plantes qui sont considérées comme attractrices de certains ravageurs. Ainsi, dans la production du coton biologique, le tournesol et le poids d’angol sont considérés comme attracteurs de Helicoverpa armigera.
Le restaurant ‘’Ali’’ à Cotonou qui ne fournit que des plats issus des produits bio, fait à base des engrais bio, connait tous les jours une affluence sans cesse grandissante. Cependant en mangeant son plat de crudités, Sodjiovi est préoccupé. Il se demande toujours comment arriver vraiment à prouver que tout ce qui se trouve dans son assiette est ‘’bio’’, comme l’indique si bien le restaurant et le restaurateur !

... sont-ils bio ou chimiques?
                                         
Réalisé avec le soutien de l’ambassade des USA
                                       
Encadré : Le cri d’alarme
‘’ …Des analyses menées par le Service de protection des végétaux (Spv) en 1999(NDR :Aucune autre étude n’est encore disponible à ce jour)  ont révélé une utilisation excessive et un taux élevé de prévalence de résidus toxiques de pesticides chimiques de synthèse dans les légumes, les fruits, le lait, les graines stockées etc. Aussi, soixante mille (60 000) maraîchers au Bénin ont-ils été exposés aux pesticides chimiques de synthèse.
Une étude a montré que 21 résidus de pesticides organochlorés et organophosphorés ont été identifiés dans les sédiments et les espèces aquatiques prélevées tout le long du fleuve Ouémé et que plus de 40 espèces aquatiques ont disparu des eaux du fait de l’usage des pesticides chimiques de synthèse. Les matières actives utilisées dans le bassin cotonnier béninois sont très variées et les producteurs respectent très peu les doses requises ; ils sont très peu sensibilisés et pour la plupart réfractaires à l’utilisation raisonnée des produits phytosanitaires. Il est fréquemment noté, en particulier dans la Vallée de l’Ouémé, l’utilisation des pesticides coton sur des produits vivriers, voire des produits maraichers, ainsi que l’utilisation de moustiquaires imprégnées de pertrinoïde pour protéger les champs de riz contre les oiseaux granivores (oiseaux gendarmes notamment). Tout ceci met en cause la durabilité des pratiques paysannes de gestion des cultures, rend vulnérables les ressources naturelles et expose l’agrosystème et les écosystèmes, surtout ceux des zones humides, surtout ceux des zones humides, à de graves impacts environnementaux avec des implications socio sanitaires.’’
Source : Extrait Conférence publique du 30 août 2018, au Codiam de Cotonou par le Collectif Stop Pesticide









 

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