Il est un fait que la fiscalité au Bénin permet à l’Etat d’avoir des ressources destinées à la couverture des charges publiques dans tous les domaines. Mais de plus en plus, d’opérateurs économiques se plaignent de ce système qui de plus en plus les étouffe, car les impôts qu’ils payent sont excessifs. Quelles solutions alors envisagées pour que aussi l’Etat que l’usager, chacun trouve son compte ?
Marie-Louise BIDIAS M.
« Les impôts sont trop élevés. Rien ne marche pour moi. La mairie est déjà arrivée ici me demandant de payer la patente. Mais comment pourrais-je le faire si je ne vends pas ?», se lamente une vendeuse de pagnes, debout devant sa boutique, sis à Agla. « Si les hommes des impôts viennent, ils n’auront qu’à prendre mes bagages. Ce petit local me coûte 25 000 F CFA, chaque mois. L’impôt doit diminuer pour nous permettre de payer, plus aisément », explique-t-elle encore. Sa boutique est une pièce exiguë, sans aération, où règne une chaleur infernale.
De tels genres de plaintes sont aussi partagés par d’autres opérateurs économiques. C’est le cas de Claude Kassegne, gérant d’un maquis dans l’enceinte du Stade de l’Amitié de Cotonou : « La vente a diminué et les gens n’achètent plus comme avant et malgré cela nous devons payer les impôts », soupire-t-il tristement. Il en est de même pour Mohamed Moumouni, Directeur général de Grand Boubou, une entreprise spécialisée dans la confection de boubous, située dans l’enceinte du stade de l’amitié de Kouhounou. Il pense l’Etat ne les récompense pas. « Le service des impôts ne veut pas savoir si nous trouvons ou non de l’argent. La seule chose qui les intéresse est que nous devons payer, c’est tout », s’indigne-t-il. « Si vous n’arrivez pas à payer, ils ne viennent pas s’acquérir des raisons pour lesquelles cet état de chose vous arrive. Ils vous menacent et vous disent que si vous ne payez pas, ils vont tout simplement fermer votre entreprise ». Pour lui, ce sont autant de raisons qui expliquent pourquoi plusieurs personnes qui étaient dans le secteur formel se mettent dans l’informel.
Des avancées certes…
En effet, depuis la conférence des forces vives de la Nation en 1990, l’administration publique béninoise a effectué des réformes fiscales non négligeables en faveur des acteurs du secteur privé. Notamment : la prise de dispositions fiscales favorables à la généralisation de la tenue de comptabilité par les entreprises en harmonie avec les textes du système comptable de l’Ohada (loi de finance 2012), l’institution de l’Identifiant fiscal unique (Ifu), l’institution de l’Impôt sur les revenus de personnes physiques (Irpp) et de l’impôt sur les sociétés (Is) en remplacement des impôts cédulaires existant. De même que la création de cadres de concertation secteur privé-secteur public. « Malgré toutes ces avancées, le système fiscal actuel ne favorise pas l’épanouissement et la prospérité de tous les acteurs du système privé », atteste Christian Migan, le président de l’Ordre des experts comptables et comptables agréés du Bénin (Oecca).
Mais des insuffisances dans le système fiscal
Selon les organisations Professionnelles du secteur privé béninoise, le système fiscal a des insuffisances. Elles pensent que le code général des impôts et le livre des procédures fiscales méritent d’être repensés. Elles reprochent à la fiscalité intérieure du Bénin d’être un obstacle à la promotion des opérations économiques. Les réprimandes généralement faits sont relatives à la législation, aux pratiques administratives et au comportement des agents de l’Administration fiscale. On note un défaut et un retard de prise de textes d’application de certaines dispositions du Code général des impôts ou des lois de finances de l’année. De même que la lenteur dans le traitement de certains dossiers tels que les demandes de remboursement, de compensation et les dossiers de recours contentieux ou gracieux.
Des solutions à mettre en place
Pour Christian Migan, c’est d’une fiscalité de développement que le Bénin a besoin. Une telle fiscalité permet à l’Etat d’accroître ses recettes fiscales en les percevant dans le respect de la faculté contributive réelle de chaque citoyen. Elle permet aussi aux contribuables d’exercer leur profession dans de bonnes conditions et de se voir réclamer les impôts et taxes qui sont effectivement dus par eux et de les payer avec la certitude qu’ils seront utilisés à bon escient. Sébastien Adjavon, président du patronat du Bénin, précise lui aussi que l’impôt doit être suffisant sans être excessif pour ne pas ponctionner l’économie plus qu’elle ne peut le supporter au risque d’anéantir la croissance nationale et de fermer les portes des entreprises. « La solution ne sera jamais de penser qu’il faille augmenter les impôts des entreprises du secteur formel, et ne pas réduire le train de vie de l’Etat et ne pas chercher à appréhender le secteur informel. Ce type de raisonnement abouti à une fiscalité illisible, clientéliste et instable », pense-t-il encore. Pour lui, il importe d’abandonner la conception punitive de l’impôt, le but de la fiscalité n’étant pas de châtier, mais de financer la diplomatie, la santé, l’éducation, la justice et autre. La fiscalité doit être efficace et équitable : elle doit produire des recettes sans gêner le développement économique et limiter les libertés individuelles.
« Les contraintes à un bon aboutissement de toutes les réformes ont été identifiées et que la Direction générale des impôts et des domaines, s’atèle à leur règlement », argumente Emmanuel Fafolahan, directeur du centre des impôts de Dantokpa et autres marchés. C’est dans ce cadre que la direction prévoit l’ouverture d’un vaste chantier de modernisation des services de l’administration fiscale, à travers la mise en place d’un Système informatique de gestion intégré avec le projet d’appui à l’accroissement des revenus intérieurs du Bénin. Ce nouveau système intégré d’informatisation viendra appuyer la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité personnelle. Nicolas Yenoussi, chef de service assiette No 3 du centre des impôts des moyennes entreprises du Littoral, à son tour reconnait que les procédures et services rendus par l’administration fiscale ne sont pas toujours aisés. « Les opérateurs économiques attendent souvent le dernier moment pour venir payer leur redevance. Pourtant la loi leur a donné les 10 premiers jours du mois», poursuit-il. Concernant les procédures de payement, il propose qu’on mette en place un système de payement par virement et que comme les banques, on mette en place un système de permanence qui irait jusqu’au samedi. « Pour le mauvais accueil des usagers et certains propos injurieux à leur endroit, j’estime qu’on peut les régler sans moyen, car cela n’a pas d’impact sur le budget général de l’Etat. Nous devons tout faire pour améliorer nos services et comme ça le contribuable sera à l’aise », affirme-t-il.
« On a de bonnes raisons de penser actuellement qu’il faille donner la priorité à l’élargissement de l’assiette fiscale et à l’abaissement des taux d’imposition », conclu, Sébastien Adjavon.
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