Commerce entre le Bénin et le Nigéria : qui en profite en définitive?

Jusqu’à ce jour, le Bénin rencontre des difficultés économiques de tout ordre. Pourtant avec le géant voisin,  le Nigéria, des solutions existent. Il suffit de faire les pas qu’il faut. Mais, c’est justement ces pas qui jusqu’à ce jour tardent toujours à se faire, à qui donc la faute ?
Marie-Louise BIDIAS M.
Il est une évidence qu’aujourd’hui encore, au Bénin, beaucoup de personnes ont une peur noire du géant voisin, le Nigéria. Cette peur est  attisée par beaucoup d’histoires qui se racontent et se transmettent de bouches à oreilles, un peu comme pour décourager toutes les bonnes volontés qui veulent s’y rendre.  Est-ce l’exposé-débat du 23 février 2012 sur « Relations économiques avec le Nigéria : opportunités et menaces-quelles politiques ? », du docteur Bio Goura Soulé du Laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale (Lares), au siège de la fondation Friedrich Ebert Stiftung à Cotonou, a-t-il été un exposé de plus ou suscitera-t-il enfin le geste déclencheur?
Pendant que le Nigéria compte 160 millions d’habitants, le Bénin lui n’a que 9 millions d’habitants.  La population  du géant à elle seule englobe plus de 17 fois celle de son voisin. Pendant que le Produit intérieur brut (Pib) du Nigéria vaut 247 milliards US$, celui du Bénin ne vaut que de 6.6 milliards US$. Ici encore le Pib du géant englobe de plus de 37 fois celui de son voisin. Dans le domaine de la production agricole, en matière de tubercules et de céréales, le Nigéria produit 15 fois plus de millions de tonnes que le Bénin. (85 millions de tonnes pour le Nigéria contre 5.5 millions de tonnes pour le Bénin). En matière de céréales, le Nigéria produit plus de 21 fois plus de tonnes que le Bénin. (30.5 millions de tonnes pour le Nigéria, contre 1.4 millions pour le Nigéria). Les prouesses du géant ne s’arrêtent pas là.  Il est le 1er producteur d’hydrocarbure, avec un vaste réseau interne de distribution et des prix subventionné à la pompe. Une autre de ses prouesses : le géant a la 1ère industrie manufacturière de l’Afrique de l’Ouest, malgré le fait que ses unités tournent dans l’ensemble à moins de 50% de leur capacité installée.
Des opportunités à saisir
Le marché nigérian est très protégé et beaucoup de produits sont taxés, certains mêmes plus que d’autres. C’est le cas du riz. Interdit d’importation de 1987 à 1992, il a été taxé à 300%, de 1992 à 2000, puis  à 105%, de 2000 à 2003 ensuite à 56% de 2003 à 2008. Depuis lors, il connaît une levée partielle. Par ailleurs, voilà plus de 10 ans qu’il est interdit d’importer des friperies de même que des véhicules de plus de 10 ans d’âge. Le port de Calabar est le seul port d’entré du pays. Jusqu’à ce jour,  les opérateurs économiques connaissent des difficultés d’accès aux devises. Les entraves que connaît le Nigéria constituent des opportunités pour le Bénin. Ainsi, les exportations, très dynamiques dans le passé à cause du boom pétrolier, des années 70 et 80, ont beaucoup diminué.  Le commerce de transit entre le Bénin et le Nigéria, très dynamique dans le passé, connait aujourd’hui une baisse, à cause de la concurrence avec les pays voisins.
La réexportation toujours actuelle.
Chaque année, plusieurs produits pénètrent au Nigéria avec le commerce de réexportation avec le Bénin. Ce sont plus de 400. 000 tonnes de riz, plus de 50. 000 tonnes de produits carnés et plus de 100. 000 unités de véhicules d’occasion. Le commerce de réexportation génère des ressources financières substantielles à l’Etat. En  2010, ce sont près de 160 milliards de F CFA. De l’avis de Bio Goura Soulé, une activité qui ne génère pas de valeur ajoutée locale, en définitive n’est pas profitable à l’économie nationale. Certes, la réexportation est une importante source d’emplois. Mais, ce ne sont que des emplois précaires : plus de 50. 000 dans le domaine de la distribution illicite de produits pétroliers nigérians. C’est sans compter le nombre d’emplois résultant des activités directes et indirectes liées à la réexportation des véhicules d’occasion. Pour Bio Goura, même si la réexportation minimise la tension sociale, il n’en demeure pas moins qu’elle est un instrument de destruction de l’économie nationale. Elle fait perdre à l’Etat d’importante sommes d’argent. Plus de 125 milliards de F CFA dans le cas du trafic illicite de produits pétroliers. « Elle ne favorise pas une planification rationnelle des stratégies de développement et ne permet pas de jeter les bases durables du développement économique du Bénin », pense-t-il encore.
Que reste-t-il donc à faire ?
Parmi les politiques à mettre en place au Bénin pour saisir les opportunités qu’offre le Nigéria, Bio Goura Soulé propose de mettre en place : un dispositif permanent de veille, une politique économique volontaire et un développement du partenariat avec les opérateurs nigérians. Entre les deux Etats, il faut dynamiser la zone de coprospérité, entre les collectivités locales et les opérateurs du secteur privés des deux pays.  Il faut  la rationalisation de la vocation du Bénin de pays de service, par le développement des activités de transit. Ceci en ceci passe par l’extension et la modernisation des installations portuaires et  aéroportuaires et leur raccordement aux pays frontaliers. Le chercheur propose encore le développement des activités d’intermédiation financière et bancaire, les services marchands (les centres d’appels, les hôpitaux de référence), le tourisme et la diversification des produits d’exportations. 




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