Cotonou Les sachets non biodégradables bravent l’interdiction


Il s’est écoulé 21 mois déjà, depuis la mise en vigueur de la loi N0 2017-39 du 26 décembre 2017, portant interdiction de l’utilisation de sachets plastiques non biodégradables au Bénin. Mais, certaines populations, commerçants et autres acteurs peinent encore pour se mettre à jour. Enquête au cœur de la ville de Cotonou.

Marie-Louise Félicité BIDIAS

L'exposition des sachets plastiques non biodégradables ...
                            
6h45 mn, aux alentours du carrefour communément appelé ‘’16 ampoules’’ au tournant du quartier Gbèdjromèdé de Cotonou, Paulin Satchi, jeune apprenti-mécanicien, la vingtaine, déjà en retard à l’atelier de scierie, s’arrête aux abords de la voie, devant une vendeuse de bouillie et beignets de farine ‘’yovo doco’’.  « S’il vous plait, servez-moi, vite la bouillie de 100 FCFA dans un sachet en plastique et ajoutez-y des beignets de 100 F CFA aussi. N’oubliez pas de doubler les sachets », demande-t-il à la vendeuse. Celle-ci sans broncher s’exécute. Elle sert la bouillie de maïs, dans un fin sachet en plastique transparent, y ajoute un peu de sucre en poudre blanchâtre. Dès qu’elle a terminé, elle range le tout dans un sachet toujours en plastique noir légèrement plus grand. Ensuite elle sert les beignets, ultérieurement emballés dans un bout de papier grisâtre, ancien emballage d’un sac de ciment, dans un autre sachet plastique transparent noir. Ses gestes sont très rapides, car d’autres clients s’impatientent. « Merci », rétorque Paulin Satchi, qui prend son colis et poursuit son chemin à grands pas. Dans un petit supermarché, situé dans la même zone, à côté des caisses, aucune trace de sachets en plastique. A leur place, des petits sacs en papier sont vendus à 100 F CFA ou 200 F CFA selon leur contenance, destinés aux clients qui sont arrivés faire leurs emplettes sans rien en main. « Avec l’interdiction de la commercialisation de sachets en plastique, nous avons cessé d’en utiliser ici », déclare un vendeur qui a requis l’anonymat.
C’est en effet, conscient des conséquences néfastes de l’usage des sachets en plastique non biodégradables sur l’environnement, la santé humaine, que le Bénin a interdit leur usage, depuis le 26 décembre 2017. « Si leur utilisation, au vu et su de tous, persiste, cela est peut-être dû à la méconnaissance des textes en vigueur », déclare, le Directeur de la Gestion des pollutions, nuisances et de la Police environnementale, Bertin Dossa Bossou. Il soutient encore que pour y remédier, « une période de sensibilisation a été observée ». Pendant laquelle différentes activités ont été menées pour la vulgarisation des différents textes sur les sachets en plastique. « Il est opportun de procéder aujourd’hui à la répression pour faire respecter les textes », poursuit-il encore. « C’est compte tenu de la pauvreté et des conditions miséreuses que beaucoup achètent la nourriture dans ces sachets non biodégradables qui contiennent des éléments nuisibles. Donc, il se produit un transfert et on a des risques sanitaires », explique Judith Dossou, Coordonnatrice de l’Ong Amo Clim Wec. Pour elle, l’interdiction a été un ouf. « L’impact est négatif économiquement. Les ‘’bonnes’’ dames des marchés ont des soucis par rapport à leurs activités. Elles vivent avec la peur d’être arrêtées », déclare-t-elle. De son point de vue, les sachets biodégradables sont chers. 100 sachets valent 22. 000 F CFA. Pour palier à cela, les vendeuses sont obligées d’augmenter le prix de leurs denrées. Jean-Michel Balet dans ‘’l’Aide-mémoire Gestion des déchets 2 édition Dunod’’, déclare « certes que les prix des emballages plastiques étant relativement faibles, ils restent· à la portée de toutes les bourses et leur usage est aussi bien répandu dans les ménages que dans le commerce ». « L’exposition des sachets plastiques est une niche de moustiques à Cotonou. Ils sont vecteurs de métaux lourds lorsqu’on y met et consomme de la nourriture chaude dedans. Dans le transit de l’état chaud à l’état d’aliments, il existe des molécules qui exposent les populations à des risques de cancer, et de leucémie. Il y a beaucoup de femmes qui ont des problèmes d’infertilité », déplore le docteur Brice Sohou, environnementaliste.

Le biodégradable, une alternative sûre
Le docteur Brice Sohou, environnementaliste explique : « qu’un sachet biodégradable a une durée de vie de 3 à 6 mois. Il se décompose naturellement. Il est dégradable par les micros bactéries et réutilisables par les plantes. Il peut être recyclé par les êtres vivants, depuis les bactéries jusqu’aux plantes. Il est constitué d’éléments vivants ».
Trois dispositions de loi sont entrées en vigueur au Bénin, dès fin 2017, pour mettre un terme à l’ampleur du phénomène de l’utilisation des sachets en plastiques non dégradables. La première est la La Loi N0 2017-39 du 26 décembre 2017 portant interdiction de la production, de l’importation, de l’exportation, de la commercialisation, de la détention, de la distribution et de l’utilisation de sachets en plastique non biodégradable au Bénin. La deuxième disposition est relative au décret N0 2018-6549 du 12 décembre 2018 fixant les critères d’agrément des laboratoires pour le contrôle de la qualité des sachets en plastique biodégradables. Enfin, il y a l’arrêté N0 012/Mcvdd/Dc/Sgm/Dgec/Sa 005Sgg19 fixant les conditions d’homologation de production d’importation, d’exportation, de commercialisation et de distribution des saches biodégradables en République du Bénin. Le docteur poursuit : « cette loi a créé une diversité de sachets plastiques non biodégradables, très peu résistants. Et qui ne répondent pas au besoin du marché. Ce sont des sachets très fins qui ne résistent pas et qui créent des désastres ». Le Gouvernement a retenu, au titre de ses actions phares, la réalisation d’un Projet de promotion des sachets plastiques biodégradables (Ppsb). Selon la coordonnatrice de ce projet, Yvette Boko Gauthé, le Ppsb a pour objectif de substituer progressivement les emballages biodégradables non nocifs pour la santé aux sachets plastiques. Le nombre d’importateurs de sachets biodégradables est encore très faible ! « Actuellement, seulement une vingtaine de sociétés au Bénin ont reçu l’agrément provisoire, mais aucune n’a l’agrément définitif », affirme le Directeur de la Gestion des pollutions, nuisances et de la Police environnementale, Bertin Dossa Bossou. 

...continuent par être utilisés par plusieurs malgré l'interdiction.

Que faut-il faire pour y remédier ?
« Il faut que l’Etat reconnaisse l’intérêt public et le danger que constituent ces sachets. Ce problème est reconnu d’intérêt public. Nous avons à faire à une situation de politique publique, où nous avons trois interlocuteurs qui subissent le drame : l’Etat, les groupes cibles et les populations », argumente le docteur Brice Sohou. Pour lui, la meilleure des solutions est que « l’Etat recherche le consensus ». « Les différents acteurs qui s’impliquent doivent être identifiés, renseignés. Il faut une mise à jour de l’information à temps réel sur l’importation de ces sachets. L’Etat doit prendre ses responsabilités et contrôler les importations. La société civile a un rôle de veille et de surveillance en collaboration avec les hommes de presse. L’Etat et les partenaires techniques et financiers doivent investir davantage dans la communication », prône le docteur. Le Directeur de la gestion des pollutions, nuisance et de la Police environnementale, Bertin Dossa Bossou d’expliquer que Le ministère en charge du Cadre de vie procède à des contrôles inopinés sur le terrain en vue de rappeler à l’ordre les contrevenants à la loi . Floriace Houndchandji, sociologue pense « qu’il faut davantage expliquer les biens fondés de cette loi aux populations, car la sensibilisation n’a pas été suffisamment faite ». Pour elle, le Gouvernement devrait aussi revoir la stratégie de communication, impliquer toutes les parties prenantes et aussi faire des contrôles au niveau des frontières. Brice Sohou propose par ailleurs comme solutions, la création d’une Agence béninoise de Risques et de Catastrophes. « Il est important pour le Bénin de disposer d’un Observatoire de Surveillance, très actif au niveau des aéroports, des frontières afin de sanctionner », pense-t-il. « Nous aimerions aussi avoir sur notre territoire des usines de fabrication de sachets en plastiques biodégradables afin de réduire le coût de ces sachets et les rendre accessibles à tous », propose aussi Bertin Dossa Bossou. « Dans le cadre de la répression, le ministère Cadre de Vie a procédé à la mise sous scellé de marchandises dans le marché Dantokpa. Des stocks de sachets non biodégradables sont actuellement destinés à la destruction selon les normes environnementales en vigueur », témoigne le Directeur de la gestion des pollutions.
Et la fraicheur matinale, au carrefour ‘’16 ampoules’’ accompagnée d’un vent légèrement violent, soulève encore sur son passage plusieurs sachets en plastiques noirs. Ces derniers dansant sous le sifflement du vent finissent leur course au coin d’un caniveau à ciel ouvert. « Les sachets plastiques non dégradables ont encore du chemin à parcourir de même que leur disparition qui nécessite de se faire en collaboration avec tous les ministères et toutes les parties prenantes ! », fait remarquer un passant d’un ton septique.
Avec le soutien de l’ambassade des USA   


Encadré

Le plastique, substance aux effets dévastateurs mondiaux
Le Programme des Nations unies pour l’Environnement affirme que les emballages plastiques engendrent d’importantes externalités négatives, estimées à 40 milliards de dollars par an – un montant supérieur aux profits de l’industrie des emballages plastiques dans son ensemble. Ces impacts négatifs sur l’environnement concernent principalement la dégradation des systèmes naturels liée aux fuites d’emballages plastiques, en particulier dans les océans, et les émissions de gaz à effet de serre lors de la production des plastiques et de l’incinération des déchets. La production mondiale de plastiques a été multipliée par vingt au cours du dernier demi-siècle, passant de 15 millions de tonnes en 1964 à 311 millions de tonnes en 2014. Selon la Fondation Ellen MacArthur, elle devrait encore doubler dans les vingt prochaines années et presque quadrupler d’ici à 2050.
M-L B.






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