Bénin/ Affaire des présumés ‘’faux médicaments’’ en provenance de l’Inde : La nébuleuse qui coule l’empire pharmaceutique



La vente des médicaments illicites au Bénin fait l’objet de la part de l’État béninois d’une attention particulière et d’une répression sans son pareil. Sans pitié, forces de l’ordre et autorités à divers niveaux n’hésitent pas à agir et à réprimer les coupables. Que d’arrestations, d’emprisonnements, de saisines, de suspensions d’ordre et d’interdiction d’exercice. L’histoire du laboratoire New Cesamex, un importateur indien de médicaments au Bénin nous entraîne dans une énigme.

Marie-Louise Félicité BIDIAS 



                                                          Vrais ou faux médicaments?

Victime d’une agression en plein tribunal de justice de Cotonou, conduit en urgence au centre national hospitalier universitaire-Hubert Koutoukou Manga (cnhu-hkm) de Cotonou et hospitalisé à cet effet pour coups et blessures, le député béninois Taofick Mohamed Hinnouho, depuis son lit d’hôpital est transféré, le 12 mai 2018 à la prison civile de Cotonou. Déjà, le 2 mai 2018, le procureur de la République près le tribunal de 1ère instance de Cotonou, accompagné de son 4ème substitut et de quelques policiers en civil, s’était rendu au chevet du malade pour lui signifier sa garde à vue, car faisant l’objet de flagrant-délit.           
Pour ses deux avocats maître Baparapé, président de l’Organisation des Droits de l’Homme et des Peuples au Bénin et maître Alfred Boccovo, « l’accusation de leur client d’un flagrant délit et flagrance en matière douanière, n’en est pas un ». Les faits qui lui sont reprochés datent en effet du 8 décembre 2017, où les éléments de la police républicaine de la sous-direction des affaires économiques et financières ont mené une perquisition à son domicile. Perquisition au cours de laquelle des tonnes de produits pharmaceutiques ont été saisis et mis sous scellés couvert. Le 4 janvier 2018, le procureur de la République saisit le juge d’instruction du premier cabinet du tribunal de première instance de Cotonou, pour l’ouverture d’une information pour une dizaine d’infraction. Entre autres : l’exercice illégal en pharmacie, la vente de médicaments falsifiés, le trafic de produits médicaux contrefaits, la fabrication ou la fourniture de produits médicaux ne remplissant pas les exigences de conformité et le blanchiment de capitaux.  

Des grossistes-répartiteurs condamnés

D’autres condamnations et arrestations avaient déjà eu lieu dans le procès dit « des faux médicaments ». Le 13 mars 2018, le procès dit des faux médicaments a conduit à des condamnations lourdes de 4 ans d’emprisonnement ferme aux 5 principaux prévenus et à 100 millions de f CFA d’amende. Ceci découle du jugement rendu par la première chambre correctionnelle du Tribunal de Première Classe de Cotonou à l’encontre, principalement des représentants légaux des entreprises pharmaceutiques de vente en gros de médicaments dénommés « sociétés de grossistes-répartiteurs » : notamment ubipharm, le groupement d’achats des pharmaciens d’officines du Bénin (gapob), les médicaments pharmaceutiques du Bénin (medipharm), la promotion pharmaceutique (promopharma), l’union béninoise de pharmaciens (ubphar)  et la centrale d’achat des médicaments essentiels (came).
Ils sont accusés entre autres de : l’exercice illégal en pharmacie, la vente de médicaments falsifiés, le trafic de produits médicaux contrefaits, la fabrication ou la fourniture de produits médicaux contrefaits et le blanchiment de capitaux.

Vrais ou faux médicaments, quelle différence ?

Selon la définition du dictionnaire pharmaceutique de l’Oms et celle de la directive européenne 65/65, un médicament est « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines. Toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques chez l’homme est également considérée comme médicament ».

Toutefois, un médicament sur 10 dans le monde est une contrefaçon. Ce chiffre peut atteindre 7 sur 10 en Afrique. L’Interpol a annoncé en août 2017, la saisie de 420 tonnes de produits médicaux de contrebande en Afrique de l’Ouest, dans le cadre d’une vaste opération qui a mobilisé un millier d’agents de police, des douanes et d’agences de réglementation des produits de santé de sept pays dont le Bénin. La raison principale découle du fait que les médicaments et les produits de santé ne sont pas des biens de consommation comme les autres. Leurs contrefaçons entraînent des conséquences graves sur la santé des populations. Selon les professionnels de la santé, au moins 100.000 personnes meurent chaque année en Afrique à cause de faux médicaments.

 « Un produit médical est contrefait lorsqu’il y a une fausse représentation de son identité et/ou de sa source. Cela s’applique au produit, à son conditionnement ou à toute autre information concernant l’emballage ou l’étiquetage », explique Docteur Al-Fatah Onifadé, conseiller au bureau de l’Oms au Bénin. « La contrefaçon peut aussi s’appliquer à des spécialités ou à des produits génériques. Les produits contrefaits peuvent être des produits contenant les bons ingrédients/composants, pas de principe actif ou un principe actif en quantité insuffisante ou encore des produits dont le conditionnement a été falsifié », poursuit-il encore.

                                           Vrais ou faux médicaments: quelle différence?

Le point de départ

Tout remonte au temps où le député Taofick Mohamed Hinnouho a exercé initialement en tant que délégué médical de 2002 à 2004. En 2004, il devient le représentant du laboratoire indien New Cesamex au Bénin. Mais en 2008, en raison de son engagement politique, il exprime son indisponibilité à ses partenaires, qui décide alors d’envoyer un représentant indien en la personne de Santosh Kumar, pour prendre le relais. Installé au Bénin, ce dernier a contracté au nom de sa structure, un bail sur un des immeubles appartenant à l’ancien représentant. L’immeuble d’Adogléta, propriété de l’honorable, perquisitionné les 8 et 9 décembre 2017, abrite officiellement depuis 2008, la représentation nationale des laboratoires New Cesamex.                                                                          
Maître Sadikou Alao, conseil de la société New Cesamex et président de Gerdes-Afrique, révèle plutôt que depuis 2014, la représentation des laboratoires New Cesamex est assurée par la Société à responsabilité limitée GAB, qui appartient à son épouse.

Le gouvernement entre dans la danse et frappe fort

Le conseil des ministres du 14 mars 2018, s’appuyant sur la décision de justice condamnant les responsables de sociétés de grossistes-répartiteurs, prend à son tour plusieurs décisions. D’abord, de suspendre provisoirement pendant 6 mois l’ordre des pharmaciens. Ensuite, de mettre en œuvre une mission du ministère de la santé et du ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme, afin de renforcer le cadre institutionnel et législatif du secteur au Bénin. Au nom du principe de précaution, le gouvernement a également interdire d’activité la société New Cesamex. Enfin, retirer des officines tous les produits vendus par New Cesamex.

Le mécontentement des acteurs de la chaîne

Aussi bien le personnel des sociétés de grossistes-répartiteurs que les pharmaciens, les cadres et acteurs impliqués dans la chaîne, ne sont restés muets face à toutes ces décisions prises par le gouvernement qu’ils ont en grande majorité désapprouvé. Le docteur Dayanne Amadou, pharmacien et membre de l’intersyndicale des pharmaciens du Bénin, a déclaré qu’à aucun moment, les grossistes-répartiteurs ne seraient condamnés de la sorte.

Les sociétés de grossistes-répartiteurs rappellent que les prétendus médicaments falsifiés sont ceux qui leur sont vendus par le laboratoire New Cesamex.  Selon elles, tous les médicaments mis en vente sur le territoire national par le laboratoire New Cesamex ont été dûment autorisés par le gouvernement qui a délivré les visas de commercialisation après leur avoir octroyé des autorisations de mise sur le marché. Ces sociétés s’étonnent encore que ces médicaments soient subitement falsifiés et/ou contrefaits, alors que les organes compétents de contrôle du ministère de la santé n’ont jamais fait état de la modification, dans des conditions illégales, de leurs principes actifs. Pas plus qu’il n’a été nullement prouvé que ces médicaments seraient une imitation frauduleuse d’un produit appartenant à un fabriquant autre que celui autorisé qui est le laboratoire New Cesamex.                       
L’application de l’article 6 du décret N° 2000 portant fixation des conditions d’exercice en clientèle privée des professions médicales et paramédicales et relatif à l’ouverture des sociétés de grossistes-répartiteurs au Bénin, les sociétés de grossistes-répartiteurs sont tenues d’acquérir puis de détenir 90 pour 100 de toutes les spécialités autorisées par les organes compétents du ministère de la santé. L’obligation leur étant faite par ailleurs de s’approvisionner auprès des fournisseurs et sociétés satisfaisants aux exigences de présélection des laboratoires pharmaceutiques. New Cesamex est l’un de ces laboratoires qui a satisfait aux exigences de présélection. Les produits pharmaceutiques importés au Bénin ne sont assujettis à aucun frais de douanes, et n’éprouvent aucun intérêt à importer frauduleusement lesdits produits sur le territoire national.

Le stockage de produits non conforme

Le contrat qui lie New Cesamex aux grossistes-répartiteurs indique une livraison franco-domicile. Ce qui suppose que les cargaisons sont directement convoyées et livrées dans les magasins du client. Maître Sadikou Alao, déclare : « Nous avons une réglementation au Bénin qui permet seulement aux grossistes répartiteurs d’être importateurs de produits pharmaceutiques. Mais, le stockage ou l’entreposage n’est pas réglementé séparément. Il y a un vide juridique. Théoriquement, on peut penser que ce sont les grossistes qui importent, qui peuvent stocker et entreposer ». Les grossistes répartiteurs importent effectivement de grosses quantités par l’intermédiaire de la société New Cesamex. « Par exemple, lorsque vous demandez à importer 10 tonnes de produits pharmaceutiques, la direction des pharmacies, du médicament et des exploitations diagnostiques vous autorisent à importer. Mais à l’arrivée au lieu d’enlever les 10 tonnes de la commande, seulement 2 tonnes peuvent être enlevées. Donc, il y a 8 tonnes qui sont conservées dans les magasins de New Cesamex que vous avez commandé en votre nom et que vous ne réceptionnez pas » étaye le spécialiste.

Le Laboratoire New Cesamex est basé à Limete à Kinshasa, République Démocratique du Congo (Rdc). Il ne procède point à l’exportation, ses livraisons à l’internationale se faisant en majorité depuis l’Inde avec le concours de son partenaire Aura Pharma, basé à New Delhi. Les registres de la douane en Rdc mentionnent qu’aucune exportation n’a été faite en direction du Bénin. Les traces de Aura Pharma ne figurent donc aucunement au Bénin et c’est seulement du laboratoire New Cesamex qu’il s’agit, conclu maître Alao.


L’enlèvement des médicaments                                                                                                                                       
L’enlèvement des produits pharmaceutiques importés au Bénin est subordonné à la présentation d’une autorisation d’enlèvement délivrée par la direction de la pharmacie, du médicament et des exploitations diagnostiques (dpmed). Après enlèvement, lesdits produits doivent subir un contrôle technique exercé par la Dpmed. Tel est le référentiel d’inspection des structures agréées pour l’exercice des activités d’importation et de distribution des produits au Bénin.

Le décret n°89-370 du 10 octobre 1989, portant réglementation de l’importation, de la détention et de la vente des produits chimiques et réactifs de laboratoire, prévoit des inspections des établissements autorisés à importer, détenir et vendre des produits chimiques et réactifs de laboratoire par les services compétents, en vue de faire observer la réglementation (Articles 13 et 14).

 L’arrêté Interministériel n°631/msp/mfe/mcat/dgm/dph/sssp du 16 décembre 1985, dispose, en son article 1er, que toute importation de produits pharmaceutiques, d’objets de pansement et tous autres articles présentés comme conformes à la pharmacopée, doit être déclarée, non seulement à la direction des pharmacies et celle des services de stupéfiants, mais également à la direction des statistiques sur présentation des factures. Cette déclaration donne lieu à la délivrance par la direction des pharmacies, d’un récépissé de déclaration que l’importateur est censé joindre aux documents douaniers d’importation. De même, l’importation, la détention et la vente des produits chimiques et réactifs de laboratoire sont subordonnées à une autorisation préalable du ministère de la Santé.

Un secteur qui pèse lourd

La consommation finale moyenne annuelle de médicaments parallèles des ménages pour la période 1990–2006, s’élève à environ 3,4 milliards de francs CFA. Les chiffres récents n’étant pas disponibles, il est évident que la rubrique a connu une croissance, vu l’essor socio-économique du pays (selon le rapport sur le marché parallèle au Bénin).

En effet, l’absence d’une industrie pharmaceutique développée, les politiques sectorielles de financement de la santé et de tarification des actes médicaux ainsi que la très faible mutualisation du risque de maladie au Bénin, sapent les effets positifs attendus des importations parallèles de médicaments. Somme toute, des laboratoires pharmaceutiques des pays tels que l’Inde et l’Israël qui fabriquent des médicaments sous le nom de générique, conditionnés comme les médicaments et vendus à des prix très compétitifs par rapport à leurs substituts (proposés par les sources d’approvisionnements traditionnelles que sont les laboratoires français) demeurent cependant l’une des solutions. L’effectivité de la concurrence entre les grossistes-répartiteurs appelle une mesure de diversification des sources d’approvisionnement. Mais, il importe que des précautions idoines soient prises pour ne pas tomber sur des laboratoires non conformes aux normes et procédures en vigueur.
  
''Cet article a été produit par Marie-Louise Félicité BIDIAS et rédigé dans le cadre de ''La Richesse des Nations"", un programme panafricain de développement  des compétences des médias  dirigé par la Fondation Thomson Reuters en partenariat avec TrustAfrica. Plus d'informations sur  http://www.wealth-of-nations.org/fr/
 






                                               Vrais ou faux médicaments: qui croire?







Commentaires

  1. Merci pour la clarte de l analyse que l Afrique prenne conscience et refuse d etre un deportoir
    Prince Delaure

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