Le Talon d’Achille de Boni Yayi, ouvrage de 340 pages du journaliste Franck
Kpotchémè, s’intéresse aux grands dossiers qui ont secoué l’Etat béninois,
notamment le second mandat du président Boni Yayi, encore en cours.
L’essai est donc circonscrit entre 2011 et le début du premier trimestre de
2013. Avec des dossiers comme :le Programme de vérification des
importations, (Pvi-Ng) et l’or blanc.
Alors que les Béninois étaient dans
l’attente d’un procès inédit au tribunal de 1ère instance de
Cotonou, celui de l’arrestation du secrétaire général de la Confédération
syndicale des travailleurs du Bénun (Cstb), Pascal Todjinou, la nouvelle de la
tentative d’assassinat du président de la République, vint à lui ravir la
vedette. C’était le dimanche 21 octobre 2012. Trois proches du chef de l’Etat
ont été mis aux arrêts. Il s’agit du maître d’hôtel et nièce du président,
Zoubératou Kora Séké, de Dr Ibrahim Mama Cissé, médecin personnel du chef de
l’Etat et de l’ancien ministre du commerce de Boni Yayi, Moudjaïdou Soumanou.
Du « petit palais », au commissariat central de Cotonou, ils ont été
présentés au Procureur de la République, Justin Gbènamèto qui les inculpa.
D’ailleurs, le Procureur de la République et le Commissaire central de Cotonou
ont fait une sortie conjointe devant la presse pour lever un coin de voile sur
le scenario devant conduire à la mort du Chef de l’Etat. Les médicaments dits
toxiques et qui devraient servir pour l’instruction ont été aussi exhibés.
Les mêmes preuves sont exhibées par la suite sur la télévision nationale
par le Commissaire central de Cotonou, Louis-Philippe Houndégnon. Les avocats
de la défense dénoncent la violation du secret de l’instruction. Me Joseph
Djogbénou soutient que même si le complot existe, il était difficile, à
cette étape, de dire de quel côté il se situait. Il finit par lâcher le
morceau, à savoir que cette affaire de tentative d’empoisonnement ressemblerait
plutôt à un complot contre Patrice Talon ; Patrice Talon étant le
richissime homme d’affaires ayant été déterminant dans le financement de la
campagne de Boni Yayi en 2006, puis pour sa réélection en 2011. « …Je
ne vais pas le cacher, c’est réel. J’ai été un sponsor du Président Boni
Yayi ; comme tant d’autres, je l’ai conseillé et introduit là où j’ai pu
pour sa conquête du pouvoir en 2006, puis en 2011 » a-t-il confié.
Du suspense dans l’air
En retour pour son soutien, le conseil des
ministres du 5 janvier 2011 lui a attribué le marché du Pvi qui devrait booster
l’économie béninoise. La mission du Pvi est d’inspecter les marchandises avant
embarquement au moyen d’outils performants (des scanners), suivre de façon
électronique les marchandises en transit, gérer de façon automatisée les
magasins, les aires d’exportation, de dédouanement et de scanning des
bagages….bref, il ne sera plus possible avec le Pvi de déclarer du riz à la
place des liqueurs…
Après quelques mois d’expérimentation,
alors que les statistiques sont encouragement, même si une flambée des prix a
été observée et que des réglages s’imposaient, Patrice Talon perd le marché du
Pvi-ng. Boni Yayi justifie ce revirement par la mise à l’écart par Patrice
Talon de la société Sgs, partenaire technique de la mise en œuvre du Pvi. Il
parle également d’un contrat léonin pour le peuple béninois signé entre Patrice
Talon et ses ministres à son insu. Et pourtant, il avait sa signature sur le
décret qi lançait le Pvi. Les réformes portuaires venaient ainsi d’être
sacrifiées alors que le chef de l’Etat lui-même avait laissé croire qu’il ne
reculerait devant rien, même malgré les menaces des agents des douanes.
Patrice Talon perd également le
monopole sur les importations d’intrants, d’engrais, d’insecticides dans le
secteur coton, secteur dans lequel il évolue depuis environ deux décennies.
Boni Yayi a décidé de mettre un terme à la privatisation de ce sous
secteur. « La gestion du coton doit revenir dans le giron de
l’Etat ; puisque les objectifs assignés à l’association interprofessionnelle
de coton (Aic) n’ont pas été atteints ». Le Bénin va expérimenter
la méthode burkinabè qui consiste à impliquer profondément l’Etat dans le
coton, malgré la présence des sociétés privées. Pour le gouvernement, Patrice
Talon a assez grugé les paysans.
Patrice Talon ne se laisse pas faire
L’homme d’affaires estime que tous
ces marchés lui ont été arrachés du fait de son refus d’accompagner le nouveau
projet politique du chef de l’Etat, à savoir obtenir la majorité qualifiée à la
représentation nationale pour lui permettre de modifier la Constitution
béninoise du 11 décembre 1990 et ainsi lui permettre de s’éterniser dans le
fauteuil de la Marina.
La tentative de conciliation initiée à
Porto-Novo par les Présidents des institutions de la République a accouché
d’une souris. Même le face-à-face talon-Yayi au palais de la présidence en août
2012 n’a pas comblé les attentes.
Craignant pour sa sécurité, Patrice Talon
avait déjà quitté le Bénin pour se réfugier en France. Il en est de même de sa
petite famille et de son plus proche collaborateur, Olivier Boko. Au pays, les
autres complices arrêtés sont déposés dans diverses prisons.
Pour le Procureur de la République et
autres autorités gouvernementales, c’est bien depuis son exil que Patrice Talon
a organisé le coup. Seulement, tantôt, on parle de tentative d’empoisonnement,
tantôt de tentative de rendre invalide le chef de l’Etat afin que la Cour
constitutionnelle présidée par Me Robert Dossou le déclare n’être plus en
mesure de continuer l’exercice du pouvoir d’Etat.
Un mandat d’arrêt international est alors
lancé par le juge d’instruction contre les fugitifs Patrice Talon et Olivier
Boko. Pendant ce temps, les marches de soutien à Boni Yayi pour avoir échappé
bel à une tentative d’empoisonnement ont commencé au pays. Il y a eu également des
réactions officielles, notamment des formations politiques.
L’entretien télévisé du chef de l’Etat à
l’occasion de la célébration de la fête nationale le 1er aout
2012 viendra tout compliquer. Il se cherche d’autres inimitiés en tirant à
boulet rouge sur plusieurs de ses compatriotes, dont le patron des patrons,
Sébastien Adjavon «…Jean baptise Satchivi a un comportement vertueux.
Satchivi ne fait pas comme eux ». La réaction du président du
patronat ne s’est pas fait attendre.
« …l’entretien est mauvais,
dommageable, et dangereux pour la République, et plus grave, il est fait un 1er
août ; j’étais meurtri et touché quand je l’ai suivi… » a laissé entendre sur
Canal 3 le député Fcbe Candide Azannaï.
Le gouvernement béninois
Il faut pouvoir gérer les conséquences de
la rupture unilatérale des contrats ; notamment celui liant l’Etat
béninois à l’Aic. Difficile d’avoir les intrants et les insecticides à temps
pour sauver la campagne cotonnière. Le gouvernement pour sauver la face,
« braque » les implantations de Patrice Talon où étaient
stockés ces intrants. Même un navire a été arraisonné. « Nul
ne peut faire fléchir le pouvoir public. Nous sommes partis prendre les engrais
avec force à Allada. Mais advienne que pourra. Ne serait-ce que raison d’Etat
oblige ; nous allons prendre possession du bateau. .. » lance
le ministre de Souza.
Malgré tout ceci, le député de la mouvance
Bani Samari annonce une mauvaise récolte due au fait que les insecticides n’ont
pas été positionnés à temps. Un rapport mis à disposition par l’Union européenne
viendra confirmer que des dizaines de milliards de déficit enregistrés dans le
cadre de la campagne cotonnière 2012-2013.
C’est dans ce méli-mélo que la nouvelle de
tentative, d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat s’ébruite. Là encore
plusieurs arrestations. Le commandant Zomahoun, et l’expert comptable Johannès
Dagnon sont déposés en prison.
On note que l’auteur de l’ouvrage, Franck S. C. Kpochémè, est actuellement le Directeur
de Publication du Quotidien « L’informateur » et aussi le Président
de l’Union des professionnels des médias du Bénin (Upmb).
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