Pour pallier à l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne : des gains durables de productibilité
Avec des ressources aussi importantes et des performances économiques et sociales aussi marquantes, pourquoi l’Afrique subsaharienne connaît-elle encore l’insécurité alimentaire? Le fait de distribuer des semences de meilleures qualités, des tonnes d’engrais aux agriculteurs ne peut suffire à résoudre cette insécurité qui règne en maître dans la région. Pour pallier à cet état de chose, le 1er Rapport régional sur le développement humain en Afrique subsaharienne 2012, propose comme solutions que des gains durables de productibilité agricoles soient essentiels pour préserver le droit à l’alimentation.
Marie-Louise BIDIAS M.
La faim et la famine sévissent toujours en Afrique subsaharienne, pourtant, rien ne vouent les populations à une telle vie où il n’existe aucune garantie quant à la sécurité alimentaire.
Pourtant, dans cette partie du continent, les idées, les connaissances, les ressources et les technologies capables de combler le déficit de sécurité alimentaire ne manquent pas. Beaucoup d’avancées ont été faites en matière de recherche et de développement.
De l’avis du Rapport régional sur le développement humain en Afrique subsaharienne 2012, du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), distribuer des semences de meilleure qualité et davantage d’engrais aux agriculteurs africains ne peut suffire à résoudre le problème, pas plus que la croissance économique à elle seule. « L’insécurité alimentaire résulte d’un ensemble de dysfonctionnements et de politiques et stratégies inappropriées. Il s’agit notamment des politiques agricole, nutritionnelle, d’éducation et de gouvernance locale », précise le document.
Ainsi, une réponse efficace à des problèmes d’une telle ampleur ne peut se limiter à une intervention, une discipline ou un mandat institutionnel unique. Elle requiert une réponse coordonnée de tous les acteurs dans l’ensemble des secteurs. Ainsi, les communautés doivent faire preuve d’une résilience suffisante pour résister aux chocs récurrents et avoir la possibilité de choisir leurs propres moyens d’existence. Le défi est de taille. L’urgence est grande et les investissements nécessaires conséquents. Mais les gains potentiels en matière de développement humain pour l’Afrique subsaharienne sont immenses.
La sécurité alimentaire
Le visage que l’Afrique subsaharienne projette toujours : c’est celui d’une faim déshumanisante. Plus d’un habitant sur quatre est sous-alimenté et l’insécurité alimentaire est omniprésente. « Le spectre de la famine, qui a quasiment disparu de tous les autres continents, continue à hanter certaines régions de l’Afrique subsaharienne. Les famines font les grands titres des journaux mais, pour des millions d’Africains, l’insécurité alimentaire et la malnutrition chroniques constituent des fléaux quotidiens, plus insidieux et souvent passés sous silence », déclare rapport.
Pourtant, l’Afrique subsaharienne dispose de grandes superficies de terres arables, d’abondantes ressources en eau et d’un climat globalement favorable aux cultures vivrières. De plus, au cours des dix (10) dernières années, de nombreux pays de cette région ont affiché des taux de croissance économique sans précédent et ont réalisé des progrès substantiels en matière de développement humain, tels que mesurés par l’Indice de développement humain (Idh) qui reflète des avancées notoires dans les domaines de la santé, de l’éducation et des revenus. Et la question qu’on se pose est que : avec des ressources aussi importantes et des performances économiques et sociales aussi marquantes, pourquoi l’Afrique subsaharienne connaît-elle encore l’insécurité alimentaire?
Dynamiser la productivité agricole
En Afrique subsaharienne, la sécurité alimentaire dépend de la capacité agricole locale. En dépit de son importance, l’agriculture a enregistré des performances en deçà de son potentiel depuis des générations, ayant été négligée par les politiques gouvernementales et plombée par la faible productivité des exploitations. Suivant des pratiques très anciennes, les petits agriculteurs ont longtemps survécu en cultivant des terres récupérées sur les forêts et les pâturages ou en recyclant les parcelles sans renouveler leur teneur en nutriments.
L’augmentation des productions a résulté de l’accroissement des superficies cultivées et non de méthodes agricoles efficientes.
Accroître la productivité nécessitera davantage d’engrais et de semences, un renforcement de la recherche et du développement et un système de vulgarisation plus coordonné et réactif animé par des experts familiers des comportements et des habitats des communautés agricoles locales. Des « subventions ciblées », qui incitent les petits agriculteurs à adopter des variétés culturales à haut rendement sans infliger de coûts à long terme à l’État, peuvent stimuler la production et les marchés alimentaires.
Une recherche qui intègre les connaissances des agriculteurs locaux dans les techniques d’amélioration des rendements peut donner des résultats là où des solutions élaborées en laboratoire et coupées des réalités locales ont échoué. Avant d’encourager les petits agriculteurs à adopter de nouveaux intrants, il est important de comprendre les raisons de leur résistance au changement.
Les politiques publiques et la recherche institutionnelle devront se focaliser sur des solutions variétales propres à améliorer la santé et la nutrition. Le développement de technologies agricoles durables sur le plan environnemental requiert des connaissances multidisciplinaires. La technologie agricole moderne est à même d’apporter des solutions qui augmentent les rendements tout en économisant les intrants, entraînant par là-même
Autonomisation et justice sociale
Pour parvenir à la sécurité alimentaire sur le continent, un changement en profondeur est nécessaire. L’efficacité de ce changement sera renforcée s’il s’accompagne d’une réorientation des ressources, des capacités et des décisions en faveur des petits exploitants et des communautés pauvres. La participation des petits agriculteurs aux prises de décisions concernant leur vie et leurs moyens de subsistance, renforce considérablement leur capacité à produire, à faire du commerce et à utiliser les aliments.
Les connaissances et l’organisation des différents acteurs contribuent de manière décisive à ouvrir l’espace public. Grâce aux technologies de l’information, les données les plus récentes sur les prix et les conditions prévalant sur les marchés sont facilement accessibles aux agriculteurs, qui bénéficient ainsi d’une position plus favorable. Quant aux coopératives et aux associations de producteurs, elles peuvent servir de plateformes pour les négociations collectives. La communication régulière et rapide entre les acteurs du marché alimentaire (agriculteurs, transporteurs, vendeurs et acheteurs) se traduit par la baisse des coûts et des délais des transactions et par l’augmentation des revenus des agriculteurs. Grâce à une connectivité élevée, les agriculteurs deviennent des vendeurs plus avisés et la transparence des marchés s’accroît.
Des moyens de production et des techniques agricoles plus modernes peuvent affranchir les agriculteurs des cercles vicieux de la faible productivité et de la pauvreté. La technologie est cependant à double tranchant. Mal utilisée, elle dépossède les petits agriculteurs ou les condamne à la marginalisation. Lorsque la science est éloignée des réalités du terrain et qu’elle est cloisonnée en disciplines étanches, elle peut aboutir à des schémas qui ne conviennent ni aux petites exploitations ni aux habitats locaux.
La participation des individus aux processus décisionnels qui les affectent et leur capacité à défendre leurs intérêts sont plus grandes lorsque le pouvoir politique, économique et social est fortement décentralisé. Les solutions adoptées à l’échelle locale sont généralement plus durables que les décisions imposées du niveau central. Les organisations de producteurs accroissent l’influence politique des petits agriculteurs, réduisent les coûts de commercialisation des intrants et des denrées produites et constituent un point de convergence propice aux approches collectives. Au sein des communautés, des groupes spécifiques peuvent s’appuyer sur leurs connaissances locales pour identifier les personnes ayant le plus besoin de protection sociale et empêcher les élites d’accaparer les transferts sociaux.
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